Projets étudiants cryptographie et sécurité/Leclaire DeRoland Crypto Quantique

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Auteurs : Juliana Leclaire, Céline de Roland

La cryptographie et la cryptanalyse dans le contexte de l'informatique quantique

Introduction

L'informatique quantique se base sur la superposition de plusieurs états quantiques pour améliorer les capacités de calculs. Ce domaine pose un vrai problème dans la sécurité de l'internet qui utilise des algorithmes de chiffrement asymétriques pour les connexions SSL/TLS, paiements en ligne. Les nouveaux ordinateurs avec leur rapidité de calcul vont pouvoir casser ces différents algorithmes de chiffrement asymétriques présents dans le Web.

Il existe différents acteurs qui se penchent sur ce domaine. Notamment, la NSA et Google qui tentent de construire leur propre ordinateur quantique. Des scientifiques se réunissent pour trouver des solutions posés par la cryptanalyse quantique. Dans cette page, nous allons nous demander en quoi l'informatique quantique peut changer le Web d'aujourd'hui et comment faire face à cette arrivée ?

Fonctionnement de l'informatique quantique

Qubit

C'est la plus petite unité de stockage de l'information. Etant donné deux états de base et , un qubit non mesuré se trouve dans l'état , avec .

Lorsqu'on mesure la valeur du qubit, on obtient soit soit .

est la probabilité que la mesure de la valeur du qubit donne et est la probabilité que la mesure de la valeur du qubit donne .

Ainsi, un qubit peut prendre toutes les valeurs au bord d'une sphère de rayon 1, au lieu des 2 valeurs possibles des bits traditionnels.

Théorème de non clonage

Ce théorème, découvert en 1982 par Wootters, Zurek, et Dieks, consiste à dire qu'il est impossible de recopier un qubit à l'identique. La démonstration (par l'absurde) repose sur le fait que pouvoir mettre le qubit B dans le même état que le qubit A implique que le qubit B soit déjà dans le même état que le qubit A. On en déduit qu'il est impossible de faire une opération de type copier/coller en informatique quantique.

Téléportation quantique

La téléportation quantique consiste à transférer l'état du qubit A dans le qubit B. Il s'agit donc cette fois d'une opération de couper/coller. L'intrication quantique se produit lorsque deux qubits sont dépendants l'un de l'autre même s'ils sont éloignés l'un de l'autre. Dans cet état, si on mesure l'un des deux, alors la mesure du deuxième est déterminée. Sans entrer dans la théorie physique sous jacente, nous pouvons dire qu'un canal EPR permet de réaliser cette opération de couper/coller en transmettant une information entre deux ordinateurs quantiques.

Chiffrement asymétrique face à l'informatique quantique

Mise en danger de la sécurité du Web

Les ordinateurs quantiques présentent une rapidité de calcul extrêmement plus rapide que les ordinateurs classiques. Ces ordinateurs n'auraient aucune difficulté pour casser les codes de sécurité actuels reposant principalement sur des chiffrements à clé publique. Un chiffrement asymétrique chiffre avec sa clé publique et déchiffre avec sa clé privée. RSA, par exemple, est un chiffrement asymétrique couramment utilisé dans la sécurité du Web. RSA repose sur la génération de grands nombres premiers.

  • Initialisation :
    • module (grand nombre entier codé sur 2048 bits)
    •  : nombres premiers de même taille (codés sur 1024 bits)
    • tel que
    • Choisir tel que et donc est l'inverse modulaire de avec
    • Clé publique : , Clé privée :
  • Chiffrement :
  • Déchiffrement :

La sécurité de RSA repose sur la difficulté à factoriser des grands nombres en nombres premiers. En effet, en connaissant , il faudrait pouvoir retrouver correspondant à un cassage total. D'après le théorème de factorisation unique tout entier admet une factorisation unique en produit de puissances de nombres entiers. Des algorithmes de factorisation ont été trouvés pour différentes tailles de module mais pour pallier à ces attaques on augmente la longueur du module. De nos jours pour sécuriser le chiffrement il faut utiliser des modules strictement supérieur à 2048 bits. Cependant avec l'informatique quantique il ne suffira plus d'augmenter la taille du module car la puissance de calcul permettra de casser le chiffrement, peu importe la taille du module.

Cryptanalyse de RSA avec l'algorithme de Peter Shor

Le principe utilisé pour factoriser en un produit est le suivant :

  • On vérifie d'abord les cas triviaux :
    • Si est pair alors et
    • Si est premier alors et
    • Si est le carré d'un nombre premier alors et (trouver si est un carré n'est pas un problème difficile)
  • On choisit un nombre premier aléatoire .
  • Si n'est pas premier avec , alors et . C'est terminé.
  • Sinon on cherche (grâce à un ordinateur quantique) la période de la fonction . On aura donc . (la fonction est nécessairement périodique car on travaille dans le groupe multiplicatif fini )
    • Cette recherche de période est une opération difficile pour un ordinateur classique. Il faut en effet calculer les différentes valeurs modulo de jusqu'à trouver 1.
    • Pour un ordinateur quantique, cette opération est faisable en temps polynomial grâce au principe de superposition quantique. L'idée est de calculer toutes les valeurs de en même temps et d'extraire ensuite le résultat attendu (nous ne détaillons pas ce processus permettant d'isoler l'état souhaité à partir des résultats parallèles, il repose sur des notions de mathématiques et de physique complexes). Actuellement, des chercheurs ont réussi à créer un prototype capable de factoriser avec l'algorithme de Shor.
  • Si alors on recommence avec un autre nombre aléatoire (On admet que la probabilité d'être dans ce cas est inférieure à ).
  • divise
  • donc et sont les deux diviseurs non triviaux de


Exemple :

  • Je choisis
  • En calculant successivement les valeurs de on trouve .
  • est pair
  • . Donc

Chiffrement symétrique face à l'informatique quantique

Mise en danger de la sécurité

Si les ordinateurs quantiques présentent une rapidité de calcul permettant d'effectuer des factorisations impossibles pour un ordinateur classique, il nous semble logique qu'ils soient également performants pour effectuer des attaques de type force brute sur des messages chiffrés par une clé privée qui aurait été transmise par un moyen plus sûr que RSA.

Un ordinateur quantique pourrait réaliser le déchiffrement avec toutes les clés possibles en parallèle. Ce qui permettrait de cryptanalyser le message en une seule opération. Le principe se base sur la superposition quantique. On superposerait toutes les clés possibles et on déchiffrerait. On obtiendrait alors une superposition de résultats. Le point le plus difficile est de trouver le résultat correct à partir de la superposition obtenue. En effet, le principe selon lequel mesurer une valeur modifie cette valeur fait qu'en observant une superposition, on obtient un seul état aléatoire. Une solution à ce problème a été trouvé par Lov Grover en étapes.

Résistances aux attaques quantiques

Chiffrement asymétrique

Depuis 2006, une conférence internationnale se produit chaque année nommée "Post Quantum Cryptography" dans l'intention de trouver des algorithmes résistants aux ordinateurs quantiques. Nathan Hamlin et William Webb, des mathématiciens, ont présenté récemment un algorithme de chiffrement asymétrique possiblement capable de faire face aux attaques quantiques. Cet algorithme part de l'ancien chiffrement de Merkle-Hellman qui se base sur le problème du sac à dos nommé "Knapsack code".

Problème du sac-à-dos

Etant donné un sac avec une capacité et plusieurs objets de poids différents. Le problème du sac-à-dos consiste à trouver la suite d'objets qui entre dans le sac et qui maximise sa capacité. En partant d'un n-uplet et , il faut trouver un n-uplet binaire tel que . La somme des poids des objets choisi ne doit pas dépasser la capacité du sac à dos.

Chiffrement de Merkle-Hellman

Cet algorithme de chiffrement à clé publique repose sur la complexité algorithmique du problème du sac-à-dos et utilise une suite de poids super-croissante pour le secret et une suite non super-croissante pour la clé publique. Si les n'ont pas de propriétés particulières, la recherche du message codé en binaire est un problème difficile. Il n'existe pas d'algorithme polynomial pour le résoudre. Pour pouvoir retrouver facilement ce n-uplet une propriété super-croissante est appliquée sur les . Un n-uplet b est super-croissant si
.

Ainsi en utilisant un algorithme glouton nous pouvons retrouver le n-uplet binaire . L'objet le plus lourd est dans le sac si le poids du sac est supérieur au poids de celui-ci. La propriété super-croissante assure que la somme des poids des autres objets sera toujours inférieur au poids de l'objet le plus lourd. L'algorithme est le suivant :

 Pour i de n à 1 faire
   Si  alors
     
   Sinon
     
   

Par exemple en prenant la suite des puissances de 2 comme suite super-croissante avec :

 Pour 
   oui donc 
 Pour 
   oui donc 
 Pour 
   non donc 
 => 

Pour chiffrer un n-uplet binaire , l'idée de Merkle et Hellman est de "tordre" les pour obtenir un n-uplet qui n'est plus super-croissant. On choisit un nombre , un entier tel que . Ce qui donne inversible dans . On prend . On calcule ensuite le n-uplet tel que pour tout on a :
.
Le n-uplet détermine la clé public tandis que , et sont gardés secrets.
Pour envoyer le message m à Bob, Alice va, à partir de l'écriture de m en binaire, calculer la somme :

qu'elle va envoyer à Bob. Bob pour déchiffrer va devoir procéder à plusieurs étapes :

  • => Comme et le modulo peut s'enlever
  • => Comme est super-croissant Bob peut facilement retrouver

Nouveau chiffrement de Hamlin-Webb

Le chiffrement de Merkle et Hellman a été abandonné à la suite des découvertes de Shamir prouvant l'existence d'une attaque permettant de retrouver le message secret en utilisant un algorithme de réduction des réseaux. Nathan Hamlin et William Webb reprennent cet algorithme en le renforçant par un changement de représentation des entiers. Ils ont prouvé q'un entier pouvait être représenté de manière unique avec des suites récurrentes. Le secret n'est alors plus modélisé en binaire mais en une suite récurrente plus complexe à craquer.

Représentation du message

La représentation d'un nombre en une suite récurrente se fait en utilisant une suite augmentée de , donné par :

 
 
 
 
 
 ...
 

Le suite correspond au blocs de chiffre autorisés. Dans l'exemple se calcule dans des groupes de taille 10 mais ce nombre peut varier. La suite se calcule en utilisant un algorithme glouton sur où l'on remplace la somme en une expression dans la suite .
Le message secret est représenté par :

avec calculé grâce à
où les sont des blocs de chiffre lexicographiquement inférieur à .

Chiffrement symétrique et distribution quantique de clés privées

Photons polarisés

Les photons sont des particules qui composent la lumière. Ils sont composés d'un champ électrique et d'un champ magnétique. Une lumière non-polarisée se caractérise par une différence d'orientation du champ électrique suivant les photons. Ainsi la polarisation consiste, grâce à un polarisateur, d'obtenir des photons avec un champ électrique orienté de manière identique. Les filtres polarisants permettent d'appliquer un angle d'orientation sur les photons afin :

  • de récupérer les photons polarisés correctement orienté
  • d'éliminer les photons polarisés perpendiculairement
  • de récupérer les photons polarisés intermédiaires avec une probabilité de en les réinitialisant avec une polarisation égale à l'angle d'orientation du filtre.

La particularité des photons polarisés est qu'il est impossible de connaître l'information sur leurs polarisations précédentes.

Distribution des clés

Le chiffrement quantique offre un moyen sécurisé d’échanger des clés privées pour réaliser des chiffrements symétriques. Cette distribution s’appuie sur l’envoi de photons polarisés par fibre optique. Les personnes s'échangeant les clés doivent avoir accès à un canal quantique et un canal classique. Le principe est le suivant :

  • Alice envoie par le canal quantique une suite de photons polarisés aléatoirement.
  • Bob applique un filtre de polarisation qui lui donne 1 chance sur 2 (et 1 chance sur 4 s'il y a eu un espion) d'appliquer le bon filtre et les renvoit à Alice.
  • Alice et Bob s'échangent par le canal classique leur choix des axes de polarisation éliminant ainsi les erreurs.
  • Alice communique une partie de ses résultats.
  • Maintenant que Bob connait les axes qu'Alice a appliqué et les résultats il peut savoir si la communication a été écoutée ou non. Ceci étant grâce au théorème de non clonage où il est impossible de cloner des états quantiques inconnus.

Ce principe permet de détecter facilement s'il y a eu des intrusions durant la communication de la clé privée. Si un attaquant écoute la conversation il lui faut récupérer les photons envoyés par Alice mesurer la polarisation et renvoyer le photon à Bob. Pour mesurer la polarisation et connaître la valeur du photon qu'Alice a envoyé l'attaquant doit appliquer un filtre, comme Bob. Ainsi cette intrusion a 1 chance sur 2 d'introduire des incohérences dans les données d'Alice et Bob en envoyant 1 fois sur 2 un mauvais photon. Par la suite Bob obtient donc 1 chance sur 4 d'appliquer le bon filtre. Par analyses statistiques, Alice et Bob peuvent détecter de manière sûre s'il y a eu espionnage sur le canal quantique.

Attaque de l'homme du milieu

Comme toute méthode d'échange de clé privée, cette méthode reste vulnérable à une attaque de type "homme du milieu". Il faut donc la combiner avec un mécanisme de certification afin de s'assurer de l'identité des protagonistes.

Ressources

  • Hamlin, N., & Webb, W. A. (2012). Representing Positive Integers as a Sum of Linear Recurrence Sequences, Fibonacci Quart. 50 (2012), no. 2, 99–105. Fibonacci Quart, 50(2), 99-105.
  • Moyer, N. T. (2010). A knapsack-type cryptographic system using algebraic number rings (Doctoral dissertation, Washington State University).